Dans le cadre d’un procès, l’établissement des faits par des preuves est essentiel pour déterminer l’issue de l’affaire. Néanmoins, certaines situations requièrent non seulement des preuves classiques, telles que les photographies ou les constats d’huissier, mais aussi une expertise technique pour éclairer le juge. Ce besoin se manifeste souvent dans des affaires immobilières où des questions telles que les vices cachés, les malfaçons ou les infiltrations exigent une évaluation spécialisée, pouvant prendre la forme d’une expertise judiciaire ou amiable.
Lorsque l’expertise est ordonnée par un juge, notamment dans le cadre d’une procédure de référé, elle est qualifiée de « judiciaire ». En revanche, l’expertise amiable, également désignée sous les termes d’ « expertise officieuse » ou « expertise privée », est initiée à la demande des parties concernées, souvent sur l’initiative d’une assurance, et sans intervention judiciaire. Cette forme d’expertise peut être soit bilatérale, soit unilatérale, l’expert étant alors choisi par les parties elles-mêmes.
La question se pose alors de la valeur probatoire d’une expertise amiable dans un procès. Peut-elle influencer de manière décisive l’issue d’une affaire judiciaire ? Comment se positionne-t-elle par rapport à l’expertise judiciaire ? Eléments de réponse !
La valeur probatoire de l’expertise amiable et le principe du contradictoire
Contrairement à l’expert judiciaire, l’expert amiable n’est pas contraint par le principe du contradictoire, ce qui veut dire qu’il n’est pas tenu de convoquer la partie adverse, de solliciter ses observations ou de lui communiquer son rapport. Seulement voilà, cette caractéristique introduit une complexité notable, particulièrement dans le cas d’expertises unilatérales, où seule une des parties est présente, comme c’est souvent le cas dans les expertises mandatées par les assurances.
Or, cette absence de contradictoire peut compromettre la force probante de l’expertise amiable, car pour qu’une expertise soit considérée comme valide dans le cadre d’un litige, elle doit impliquer toutes les parties concernées et informer leurs avocats. Comme on peut le voir avec l’affaire des constats établis par une association de copropriétaire contre un promoteur dans le cadre de la construction d’une résidence neuve à Antony, ces constats excluant toute expertise contradictoire peuvent également être truffées d’imprécisions (des photos prises par des tiers suggèrent que l’épaisseur de l’isolant… semble ne pas excéder 8cm). Ce genre de procédés, excluant tout contradictoire et utilisant des affirmations imprécises dénotent soit un manque de professionnalisme soit une volonté délibérée de nuire. L’exigence du contradictoire découle des principes fondamentaux du droit, notamment celui de l’« égalité des armes ». Cela dit, il est important de noter que les juges peuvent tout de même prendre en compte une expertise amiable non contradictoire si elle a été intégrée aux débats judiciaires de manière que toutes les parties aient pu en discuter librement. Conformément à l’article 16 du Code de procédure civile, un juge ne doit considérer que les éléments qui ont été examinés de manière contradictoire par les parties. Si l’expertise a été correctement présentée lors du procès et que les parties ont eu la possibilité de la remettre en question, elle peut alors être utilisée comme élément de preuve.
Il demeure néanmoins que les expertises réalisées sans respect du contradictoire sont susceptibles d’être plus facilement contestées en justice, contrairement aux expertises judiciaires qui, par définition, respectent ces principes juridiques essentiels.
L’imperfection probatoire de l’expertise amiable
L’expertise amiable, bien qu’utile, ne représente pas une preuve parfaite aux yeux de la justice. Selon la jurisprudence, un juge ne peut se baser exclusivement sur une expertise réalisée à la demande d’une seule des parties en litige. La Cour de cassation, dans un arrêt du 28 septembre 2012, a statué que bien qu’un juge ne puisse refuser d’examiner un rapport établi unilatéralement si ce dernier est intégré aux débats et discuté de manière contradictoire, il ne peut en faire la seule base de sa décision si ce rapport n’est pas appuyé par d’autres preuves (Cass. ch. mixte 28-9-2012 no 11-18.710 PBRI).
En pratique, même si une expertise amiable a été menée avec la présence de toutes les parties, cela ne suffit pas pour qu’elle serve d’unique fondement à une décision judiciaire. Ce principe a été réaffirmé par la Cour de cassation le 14 mai 2020, soulignant que la décision ne peut reposer « exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l’une des parties par un technicien de son choix » (Civ. 3e, 14 mai 2020, n° 19-16.278).
Ainsi, bien que l’expertise amiable puisse être moins onéreuse et plus rapide qu’une expertise judiciaire, elle possède une valeur probatoire inférieure et est plus susceptible d’être contestée en justice. Toutefois, dans certains cas, comme pour les assurances dommages-ouvrage, elle reste obligatoire et peut favoriser la recherche d’un accord amiable. Néanmoins, en matière judiciaire, l’expertise judiciaire, qui suit des procédures plus strictes, influence souvent directement la décision du juge, contrairement à l’expertise amiable.
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