Dans l’univers (feutré) de la finance, il existe des règles strictes censées protéger les investisseurs des mauvaises surprises. Mais quand une affaire tourne mal, se pose toujours la même question : qui est responsable ? Un arrêt récent de la Cour de cassation a clarifié un point clé sur le rôle du Conseiller en investissements financiers (CIF). Dès lors qu’il intervient dans la transmission d’un ordre, il contracte un devoir de conseil envers son client. Et si l’affaire tourne au fiasco, il n’aura pas d’autre choix que d’en assumer les conséquences. Décryptage !
Un cadre réglementaire exigeant, mais parfois sujet à interprétation
Non, le CIF n’est pas un simple commercial qui vend des placements à la chaîne. En vérité, il est soumis à des obligations précises, dictées par l’Autorité des marchés financiers. Avant même de prodiguer le moindre conseil, il doit informer ses clients de son statut et des règles encadrant son activité. Cela passe par la remise d’un document officiel détaillant son identité, son mode de rémunération et son éventuelle affiliation à une association professionnelle.
Ensuite, il doit prendre le temps de bien connaître son client. La réglementation exige qu’il s’intéresse à sa situation financière, à son appétence au risque et à ses objectifs d’investissement. Et surtout, il doit formaliser son conseil dans un rapport écrit – le fameux « rapport d’adéquation » – qui justifie ses recommandations et met en avant les avantages et les risques des produits proposés. Mais tout cela suppose que le CIF soit effectivement dans une posture de conseil. Qu’en est-il lorsqu’il se contente de transmettre un ordre d’achat ou de souscription, sans forcément apporter une analyse poussée ? C’est précisément sur ce point que la justice vient d’apporter un éclairage nécessaire.
Une affaire qui tourne mal pour des investisseurs mal informés
L’affaire en question met en scène un représentant d’une société de conseil en gestion de patrimoine et en investissements financiers. Lors d’une visite chez ses clients, il leur remet une plaquette présentant un emprunt obligataire destiné à financer l’acquisition d’une chaîne de restaurants. Convaincus par l’opportunité, les clients souscrivent à l’emprunt via la société V, filiale du groupe initiateur du projet.
Jusque-là, rien d’anormal. Sauf que la société V finit par être liquidée, et que les investisseurs ne récupèrent qu’un seul intérêt obligataire avant de voir leur mise disparaître. Leur réaction ne se fait pas attendre : ils attaquent la société de conseil en gestion de patrimoine et en investissements financiers, ainsi que ses assureurs, pour tenter d’obtenir réparation.
Une cour d’appel trop clémente avec le conseiller
Dans un premier temps, la cour d’appel déboute les investisseurs, estimant que la société de conseil n’a pas de responsabilité dans cette affaire. Certes, elle a bien joué un rôle dans la transmission des ordres, mais elle n’a ni conçu ni validé la plaquette promotionnelle de l’opération. Mieux encore, elle n’a perçu aucune rémunération spécifique pour son intervention. Conclusion des juges : le CIF n’était pas un acteur clé de l’investissement et n’avait donc pas de devoir de conseil à remplir. Une décision qui semble logique à première vue, mais qui va être remise en cause par la Cour de cassation…
Un rappel à l’ordre cinglant de la Cour de cassation
Dans son arrêt du 27 mars 2024, la Cour de cassation adopte une approche beaucoup plus stricte. Comme l’explique la société Prodemial à ses conseillers, pour la Cour de cassation il suffit que le CIF ait reçu ou transmis un ordre de souscription ou de paiement pour que son devoir de conseil s’applique pleinement. Autrement dit, peu importe qu’il ait ou non conçu la plaquette commerciale ou qu’il ait touché une commission spécifique sur l’opération. Le simple fait d’avoir facilité l’investissement le rend responsable des obligations réglementaires qui encadrent sa profession.
Ce revirement s’appuie sur plusieurs textes clés du Code monétaire et financier. Ils rappellent que le CIF peut fournir un service de réception et de transmission d’ordres pour le compte d’un client auquel il prodigue un conseil, même par voie de démarchage. Le Code civil, lui, impose une responsabilité contractuelle en cas de manquement à une obligation issue du contrat.