La question revient souvent à la une, notamment à l’occasion de procès médiatiques, comme celui des attentats de Paris du 13 novembre 2015 qui se déroule en ce moment. Doit-on défendre des criminels malgré les horreurs qu’ils ont commises ? Pourquoi des avocats acceptent-ils de défendre des terroristes présumés, des pédophiles ou des violeurs ? Tout le monde a-t-il droit à une défense ? Est-ce « immoral » de défendre un criminel ? Autant de questions complexes qui se posent au sujet des auteurs de crimes choquants. Le point sur le sujet avec Antoine Béraud, avocat à Marseille.
Un avocat défend le droit, non la morale
Ce point est d’une importance capitale pour comprendre la logique qui régit la profession. Si la morale est une affaire strictement personnelle, le droit et la loi, eux, doivent être les mêmes pour tous. Par ailleurs, une loi peut être perçue comme immorale, tout dépend du point de vue des uns et des autres. Par exemple, l’écrasante majorité de la société désapprouve le meurtre ou le viol. Toutefois, d’autres sujets peuvent diviser fortement. C’est notamment le cas du droit à l’avortement. Dans ce cas, la limite entre le moral et l’immoral est loin d’être évidente. En vérité, elle dépend des sensibilités personnelles de chaque membre de la société. C’est l’une des raisons pour lesquelles le droit existe, justement pour fixer des règles communes, et être défendu en toutes situations.
Garantir les droits
C’est la principale mission de l’avocat. Lorsque celui-ci défend un meurtrier par exemple, ce n’est pas dans le but de le laisser libre et qu’il ne réponde pas de ses actes, mais plutôt pour s’assurer que ses droits ne sont pas bafoués. Toute personne dispose de prérogatives de droits de la défense lors de son procès, ce qui permet de garantir l’égalité et la loyauté entre adversaires : droit à chacun d’être assisté par un avocat à tous les stades d’une procédure, temps et moyens de préparer sa défense… Par ailleurs, l’avocat est là pour s’assurer qu’il n’y a pas d’erreurs judiciaires qui, bien que rares, existent et peuvent mener un innocent en prison et briser sa vie.
On ne juge pas un crime, mais une personne qui l’a commis
Contrairement à ce que l’on pourrait penser, défendre une personne reconnue coupable ou qui a avoué elle-même sa culpabilité, ce n’est pas essayer d’éviter qu’elle soit condamnée. Il ne faut pas oublier que ce n’est pas le crime qui est jugé, mais une personne qui a commis le crime. Le but est d’appliquer une sanction adaptée à la personnalité de l’auteur du crime, et qui réponde en même temps au trouble à l’ordre public. C’est pour cela qu’un procès doit être organisé. Le rôle de l’avocat sera alors d’apporter les éléments qui permettent de mieux cerner la personnalité du mis-en-cause, et de mieux comprendre le passage à l’acte. En fin de compte, tout cela concourt à rendre une décision juste.