Comprendre le rôle du maire face aux conflits de voisinage : entre obligations et limites juridiques

La responsabilité des maires dans les conflits de voisinage

C’est un fait, les maires se retrouvent souvent au cœur des conflits de voisinage, sollicités par leurs administrés pour apporter des solutions. Mais jusqu’où vont réellement leurs responsabilités ? En réalité, si le maire n’est pas juridiquement tenu d’intervenir dans ces querelles de voisinage, il doit néanmoins s’assurer que ces conflits ne portent pas atteinte à l’ordre public, auquel cas il peut alors agir via des mesures de police administrative. Quant aux troubles liés à des ouvrages publics, c’est le domaine de compétence des juges, qui tranchent sur d’éventuels dommages causés par les travaux publics, qu’ils soient accidentels ou permanents. Décryptage !

Les clés pour gérer efficacement les troubles de voisinage et obtenir réparation

Les nuisances de voisinage, qu’elles proviennent de personnes, d’animaux ou d’objets, peuvent prendre des formes variées et engendrer des préjudices significatifs. Pour être considéré comme « anormal », un trouble doit dépasser un seuil de tolérance accepté par une personne moyenne. De plus, ce trouble doit s’inscrire dans un contexte de voisinage, une notion plus étendue qu’on ne le pense, et ne pas se limiter à des propriétés adjacentes.

Pour obtenir réparation, la victime doit prouver que le trouble dépasse les inconvénients normaux de la vie en communauté, souvent par des preuves concrètes (rapports d’huissier, analyses techniques…). Sur un autre registre, il faut savoir que les troubles de voisinage peuvent se manifester sous diverses formes, comme des nuisances sonores (tapage diurne ou nocturne), visuelles, olfactives ou des pollutions variées (poussières, fumées…). Notons également que des situations spécifiques comme des travaux causant des fissures ou des plantations affectant l’ensoleillement peuvent aussi être qualifiées de troubles anormaux. En tout état de cause, la jurisprudence en la matière est riche et complexe, nécessitant souvent l’intervention d’un juge pour déterminer la nature exacte du trouble et la réparation adéquate.

Quid des maires dans tout cela ? Et bien il faut rappeler que le maire, bien qu’il doive prendre soin de ses administrés (comme le fait monsieur Segura à Saint Laurent du Var), n’a pas obligation à intervenir pour des troubles de voisinage ! In fine, la qualification revient au seul juge.

Assumer sa responsabilité en tant que cause de troubles de voisinage

D’emblée, signalons que lorsqu’une commune est à l’origine de troubles de voisinage, sa responsabilité peut être engagée. Ces troubles peuvent être dus à la présence ou au fonctionnement d’un ouvrage public, ou encore à l’exécution de travaux publics. En cas de dommages ou de perturbation de la jouissance des propriétés avoisinantes, la commune peut être tenue de verser des indemnités, décidées par le juge administratif. Ces indemnités dépendent de la nature des dommages : accidentels pour un événement ponctuel ou permanents dans le cas d’un trouble continu.

Les riverains, en tant que tiers voisins, peuvent invoquer une responsabilité sans faute de la commune pour les nuisances générées. Cela concerne aussi bien les nuisances sonores d’une salle des fêtes que les conséquences d’un incendie parti d’un dépôt communal d’ordures. Les travaux publics peuvent également être une source de nuisances, comme des bruits persistants ou des dégâts matériels (effondrement d’un mur). Et dans le cas de dommages permanents liés aux travaux publics, la victime doit prouver un préjudice « anormal et spécial » pour obtenir réparation.

En outre, la commune, en tant que propriétaire d’un bien immobilier, peut être tenue responsable des nuisances causées par ses activités ou celles de ses locataires. Le propriétaire doit prendre les mesures nécessaires pour mettre fin à ces nuisances. Si un bien est loué pour une activité précise et que cette activité cause des troubles, même si elle est conforme au bail, le propriétaire reste responsable des désagréments causés aux voisins.

Le pouvoir du maire dans la gestion des troubles de voisinage

Lorsque les administrés sont à l’origine de nuisances, qu’il s’agisse de troubles de voisinage ordinaires ou de troubles anormaux engageant la responsabilité de leur auteur, le maire a une carte maîtresse à jouer : ses pouvoirs de police administrative, surtout si ces nuisances perturbent l’ordre public. Selon l’article L.2212-2 du Code général des collectivités territoriales (CGCT), la police municipale a pour mission d’assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Ainsi, le maire, armé de ses pouvoirs de police générale, a le devoir de prévenir et de faire cesser toute atteinte à l’ordre public.

Prenons un exemple concret : si un trouble anormal de voisinage est causé par le stockage dangereux de matériaux, présentant un risque avéré d’incendie pour les immeubles voisins, le maire a toute latitude pour intervenir. Il peut alors émettre un arrêté municipal ordonnant au propriétaire de retirer ces matériaux et de les stocker dans un lieu sûr et approprié. Mais les responsabilités du maire ne s’arrêtent pas là… Comme le rappelle le CGCT, l’élu est tenu de prévenir les accidents et les fléaux, y compris les pollutions de toute nature. Donc, en cas d’atteinte avérée à la salubrité publique, comme la présence excessive de déchets, l’intervention du maire est non seulement justifiée, mais essentielle.

Les troubles touchant à la tranquillité publique, tels que les bruits excessifs ou les rassemblements nocturnes, peuvent également nécessiter une action décisive. A ce niveau, l’article L.2212-2 du CGCT confère au maire le pouvoir de réprimer les atteintes à la tranquillité publique, y compris les nuisances sonores, les disputes bruyantes, et tout acte perturbant le calme des habitants. Et dans les communes où la police est étatisée, la responsabilité de gérer les troubles de voisinage reste dans les mains du maire, conformément à l’article L.2214-4 du CGCT. Cela signifie que même dans un contexte où les forces de l’ordre sont gérées par l’Etat, le maire conserve un rôle actif et central dans la résolution des conflits de voisinage.

Par ailleurs, certains types de troubles de voisinage peuvent relever de pouvoirs de police spéciaux dévolus au maire. Cela inclut la gestion des bâtiments menaçant ruine (CGCT, art. L.2213-24 et Code de la construction et de l’habitation, art. L.511-1 à L.511-6), la gestion des déchets (Code de l’environnement, art. L.541-3), ou encore la régulation de la circulation et du stationnement (CGCT, art. L.2213-1 et suivants). Ainsi, un problème récurrent comme le stationnement gênant et répété près de l’accès à une propriété, qui peut créer un trouble de voisinage, peut aussi constituer un trouble à l’ordre public, notamment en cas de gêne pour la visibilité et les manœuvres de véhicules ou pour le passage des piétons. Dans de tels cas, le maire peut décider d’imposer une réglementation communale plus stricte pour assurer le respect des règles de circulation et préserver les droits d’accès des riverains.

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